La synagogue de Lausanne a retrouvé ses couleurs d'origine
RestaurationA l’issue de trois mois de chantier, l’édifice lausannois est rutilant, proche de son aspect de 1910. No. 5363.
"Dans la culture judaïque, l’usage est de souhaiter à celui qui fête son anniversaire qu’il vive «jusqu’à 120 ans!» C’est ce qu’espèrent les restaurateurs de la synagogue de Lausanne concernant leurs travaux, terminés cette semaine. Il s’agit de la restauration la plus complète (1900 heures de travail) que l’édifice ait connue depuis son inauguration, en 1910. «Comme lors des restaurations précédentes, rien n’a été surpeint, nous avons retrouvé le décor d’origine, jubile Alain Besse, restaurateur d’art de l’atelier veveysan Sinopie. Les murs sont d’une polychromie extraordinaire, complètement assumée à l’époque.»
En effet, les peintures murales à l’huile, nettoyées en profondeur et complétées à l’acrylique par endroits, présentent un patchwork d’une étonnante gaieté et d’un rare éclectisme. «Nous avons compté quelque quinze types de décors différents», raconte Fanny Pilet, associée d’Alain Besse.
C’est le peintre Otto Alfred Briffod qui signe ces motifs – même si c’est la griffe de l’un de ses employés, un certain Kehrly, que l’on retrouve derrière le tabernacle! L’artiste lausannois, ami d’Auberjonois, a signé d’autres décorations en ville, dont certaines ont été recouvertes, notamment à la salle des Cantons, à la BCV, au Palais de Rumine et au Restaurant du Vieil Ouchy. Les lustres, les bancs et les vitraux de la synagogue datent également du début du siècle et ont bénéficié du même coup de jeune.
Un legs d’«Osiris»
Mais ce ne sont pas uniquement ses ornementations qui font de la synagogue de Lausanne un édifice unique. «Sa situation en ville est, elle aussi, particulière, explique Karen Zysman, architecte en chef et responsable des locaux pour la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV). Isolée (ndlr: au début du siècle, le quartier de Georgette commençait à se développer et des vignes s’étalaient au-delà du carrefour), elle est construite sur un promontoire qui permet de ventiler le sous-sol.» Karen Zysman insiste aussi sur la rapidité avec laquelle elle fut érigée: un an, entre août 1909 et septembre 1910.
L’architecte Charles Bonjour, habitué des églises protestantes, signe les plans de l’édifice avec ses associés Oulevey et van Dorsser. En fait, c’est un modèle réduit d’une autre synagogue: celle de la rue Buffault, à Paris (le porche aux trois portes, la rose et les tables de la loi sont quasi identiques). Non que ces messieurs l’apprécient particulièrement. La volonté posthume de Daniel Iffla, dit «Osiris», les oblige à reprendre l’architecture romano-byzantine du bâtiment parisien, en condition au legs de 50 000 francs à la Ville pour financer le bâtiment (qui aura coûté quelque 300 000 francs, terrain compris).
Le mécène bordelais, juif séfarade et amateur de figures illustres, a aussi financé le monument à Guillaume Tell, à Montbenon. Il voulait remercier le chef-lieu vaudois de l’accueil réservé à l’armée de Bourbaki en 1871, mais aussi permettre à la communauté juive du canton de se doter de locaux dignes de ce nom (Genève a construit sa synagogue cinquante ans plus tôt). Avant 1910, celle-ci se réunissait dans l’appartement d’un des siens à la rue du Grand-Chêne. Mais la communauté n’échappe pas à l’essor phénoménal (+37%) de la démographie lausannoise entre 1900 et 1910.
Financée par les membres
Aujourd’hui, la CILV, forte de 600 familles, soit quelque 2000 membres, se porte bien, à entendre son président, Alain Schauder. «Ces travaux, c’est une vraie fierté. Ils montrent que notre communauté s’investit, continue son développement.» Car ce sont les membres, ainsi qu’un sponsor anonyme, qui ont financé la restauration, devisée à plusieurs centaines de milliers de francs. Ils pourront découvrir le résultat – «un bijou!» – pour Roch Hachana, le Nouvel-An juif. Comme un symbole, ce renouveau marquera le début de l’an 5776. (24 heures)
(Créé: 04.09.2015, 21h16)" 24 heures. ch.