Les plus anciennes traces de l’histoire du domaine remontent à la fin du XVIème siècle. Tantôt orthographié « Malegarre », « Malagarre » ou encore « Mallagarre », ce domaine est le fief de plusieurs maisons nobles de Saint-Macaire. Il devient la propriété des moines célestins de Verdelais par testament, lorsque le sieur Arnaud Duthoya, négociant de Saint-Macaire installé à Landernau en Bretagne, décide de faire de « Malgarre » une fondation à perpétuité à la Chapelle Notre-Dame de Verdelais. Jusque-là habité par des métayers et souvent laissé à l’abandon, c’est grâce à Arnaud Duthoya que le domaine devient lieu de résidence. D’un point de vue architectural, le Malagar de François Mauriac est très proche de celui de la fin du XVIIème siècle.
En 1792, Malagar est vendu comme Bien national, six propriétaires se sont succédé : Jean-François Moulinié en 1792, Raymond Vignes en 1796, Jacques Ribet en 1802 (à qui l’on doit très certainement l’aménagement intérieur de la maison), Jean Prom en 1813 et Joseph Moulis en 1817. De 1817 à 1843, Malagar restera dans les mains de la même famille, celle de Joseph Moulis, puis de sa fille Jeanne, veuve de Jean Alexis Fleury, et leurs quatre enfants qui mettront le domaine en vente aux enchères publiques. C’est ainsi que le 18 septembre 1843, Jean Mauriac, arrière-grand-père de l’écrivain, devient propriétaire du Domaine de « Malagarre ».
De 1843 à 1869, Jean Mauriac (dit le jeune) (an V-1869), résidant à Saint-Pierre d’Aurillac au lieu dit Les Arrocs, époux de Catherine Debayle, fait faire de nombreux travaux de restauration et d’aménagement et diversifie les sources de revenus par la vente du vin, de fruits, du blé, de tabac et de bétail. Il s’associe avec son fils Jacques pour faire commerce des cercles, osiers et barrique.
Il crée dans le parc un potager, en plus du verger, ainsi qu’un jardin d’ornement avec des acacias et une double allée de charmes autrefois taillés en voûte romantique. À sa mort en 1869, c’est son fils Jacques qui en hérite.
Le grand-père de François Mauriac, Jacques (1824-1891), réside à Langon dans la maison de commerce liée à la vente de bois merrains. Située près de la gare, elle a été construite en 1865 afin de bénéficier d’un accès fort commode pour le transport de bois merrains (bois servant notamment à la fabrication des tonneaux). De même qu’il était associé à son père, il s’associe à son fils Jean-Paul dans ce négoce. C’est à Jacques que l’on doit certains embellissements dans les années 1870 à 1871, comme le percement de fenêtres, l’ajout d’ardoises sur le pavillon central. Il fait également construire une habitation pour y loger le régisseur et sa famille.
Le père, Jean-Paul Mauriac (1850-1887) est mort à 37 ans, et n’a pas pu laisser de traces architecturales de son passage, cependant il fait référence au domaine dans son Journal, conservé à la Bibliothèque de Bordeaux : « … Langon, le 1er octobre 1873. Mercredi. J’arrive à Malagar. Vendanges sont faites. Nous venons d’y passer deux jours. […] Le vendangeur armé de ciseaux coupe le raisin et en remplit son panier dont il verse le contenu dans une comporte. Le bouvier vient avec sa charrette prendre les comportes pleines. La machine à fouler est installée au-dessus de la cuve, et le raisin écrasé entre les deux cylindres de la machine tombe dans une cuve. Le soir venu, les hommes, les jambes et les pieds nus, passent sur la vendange dans laquelle ils s’enfoncent plus ou moins suivant le degré de fermentation. Une nuée de petites mouches mycroscopiques (sic) s’envolent ; le jus de raisin bout avec un petit bruit, en dégageant de l’acide carbonique et une odeur agréable et pénétrante. ».
François Mauriac n’a jamais eu connaissance des pages écrites par son père, mais, à n’en pas douter, le fils a hérité de la veine poétique du père.
La mère, Claire Mauriac, tutrice des cinq enfants mineurs (Germaine, Raymond, Pierre, Jean et François), prend la tête des affaires familiales en indivision avec l’oncle des enfants, Louis Mauriac. Selon le désir de feu son mari, elle fait construire le chalet de Johanet, à Saint-Symphorien, dans les landes girondines car l’industrie liée à la culture du pin est en plein essor, alors que les vignes de Malagar sont touchées par le phylloxera. C’est la raison pour laquelle François Mauriac enfant fréquente peu Malagar, les vacances en famille le conduisant exclusivement dans le parc et le chalet de Saint-Symphorien. A l’été 1903, la canicule pousse la famille à séjourner à Malagar. François Mauriac alors âgé de 18 ans « découvre » la propriété, qui deviendra une véritable maison de famille avec une dimension spirituelle toute particulière : « Il suffisait à ce garçon d’une terrasse au bout de trois charmilles et de cette plaine garonnaise à ses pieds où, immobile, il voyageait par les yeux. Là, il put descendre en lui-même, se regarder, soutenir son propre regard, se connaître enfin. C’est sur cette terrasse qu’il s’est évadé de sa chrysalide. » (Commencements d’une vie)
Le 1er janvier 1927, à l’occasion du partage entre les enfants des propriétés dont Claire Mauriac avait l’usufruit, François Mauriac hérite de Malagar. « C’est fait : vos beaux yeux vont pleurer : Malagar est à nous. » écrit-il à sa femme Jeanne.
Depuis cette date, les noms de Mauriac et de Malagar sont indissociablement liés.