Roscoff [ʁɔskɔf], est une commune française du Léon située sur la côte nord de la Bretagne, dans le département du Finistère.
Ancien havre de corsaires puis de contrebandiers, d'où partirent les Johnnies vendre leurs oignons rosés, Roscoff, homologué « petite cité de caractère1 », est une petite ville balnéaire qui a conservé son patrimoine architectural des XVIe et XVIIe siècles. Son port en eau profonde, desservi par Irish Ferries et Brittany Ferries, qui y a son siège, assure la liaison en ferry avec les îles Britanniques ainsi que l'Espagne.
Son estran, balayé par des marées dont le marnage peut atteindre 10,40 m, abrite une diversité biologique propre à deux écosystèmes d'algues frontaliers dont l'étude, en 1872, est l'origine du premier2 pôle européen3 de recherches et d'enseignement en biologie marine, la Station biologique de Roscoff. Recherché pour ses embruns iodés et la douceur d'un climat maintenue par un courant marin qui ne varie qu'entre 8 °C et 18 °C, Roscoff a vu la naissance du concept de centre de thalassothérapie en 1899, avec l'institut de Rockroum, et la fondation d'un centre héliomarin en 1900.
L'île de Batz est desservie par des vedettes au départ du vieux port de Roscoff.
Géographie physique
Carte schématique de Roscoff et ses environs.
Roscoff occupe la pointe du promontoire qui ferme à l'ouest la baie de Morlaix. La ville s'étend sur 619 hectares au nord de Saint-Pol-de-Léon distant de centre à centre de 5 kilomètres, avec lequel elle tend à former une conurbation, et possède 14 kilomètres de côte avec plusieurs plages de sable blanc très fin. L'accès par la terre se fait de Saint-Pol par une route unique, la RD 58 (ancienne route nationale) ou de Santec, au sud ouest, par une petite route côtière.
Le figuier de Roscoff vers 1910 (carte postale ND Photo)
Ce territoire est dessiné par trois pointes. Celle du milieu, la moins marquée, occupe le centre de la vieille ville et est appelée la pointe du Vil. Les deux autres sont 0,665 mille à l'est la péninsule de Bloscon, séparée de la précédente par la petite anse du vieux port, et 0,604 mille à l'ouest la presqu'île de Perharidy, séparée de la même par l'anse de Laber. Celle-ci, profonde de près de 2 kilomètres, se découvre entièrement à marée basse. Son tiers amont est depuis 1835 un polder.
Article détaillé : Pointe de Perharidy.
Roscoff appartient à la Ceinture Dorée, cet affleurement lœssique de 30 à 60 centimètres de profondeur, formé au Devensien par les déjections friables et les moraines du bord de la calotte glaciaire, dont la fertilité, bien qu'il soit plus de mille fois plus mince, ne se compare qu'à celui de la plaine du fleuve Jaune. C'est ce lœss, amendé par les phosphates du goémon, qui donne l'impression que les Roscovites, tels Ulysse, cultivent du sable. La région de Roscoff, réchauffée par le Gulf Stream et protégée des vents du nord par l'Île de Batz, est la zone privilégiée de la Ceinture Dorée. Le célèbre figuier de Roscoff, un figuier géant planté en 1610, situé dans l'enclos du couvent des Capucins, qui illustrait la douceur du climat local, a été coupé en 19864.
Situation et transports
Roscoff est à 98 milles marins, soit 182 kilomètres, de Plymouth, 210 kilomètres de Rennes et 562 de Paris. Il faut 6 heures en ferry5, environ 15 heures à la voile (mais deux jours par vents contraires), pour rejoindre Plymouth. L''aérodrome de Morlaix et la base de Landivisiau sont à une trentaine de kilomètres chacun.
En face de Roscoff, au-delà d'un double chenal, le grand Kan et le petit Kan séparés par le rocher de Perroc'h, et animé de forts courants, se situe l'Île-de-Batz distante de 0,55 mille.
Roscoff dispose d'un port en eau profonde, ce qui lui permet d'accueillir les ferries des compagnies Brittany Ferries et Irish Ferries, qui desservent la Grande-Bretagne (Plymouth) et l'Irlande (Cork).
Article détaillé : Port de Roscoff - Bloscon.
Roscoff est desservi par voie routière par la D 58 qui est à 4 voies (de type voie express) de Morlaix (où cette route rejoint la route nationale 12) jusqu'à Saint-Pol-de-Léon et la D 788 depuis Brest via Lesneven. La ligne ferroviaire Morlaix-Roscoff, à voie unique et non électrifiée, relie Roscoff au réseau ferré national ; son trafic est interrompu depuis juin 2018 en raison d'un effondrement de terrain survenu près de Morlaix6.
Article détaillé : Gare de Roscoff.
Vestige de l'habitat dispersé, la commune est entourée d'écarts (Laber, Kersaliou, Keradennec…), parfois séparés par des champs en pleine zone urbaine, signe que le rendement agricole reste supérieur à celui de la rente immobilière.
Population
47% de la population a plus de 60 ans. En période estivale, la commune peut dénombrer de 16 à 20 000 résidents17.
D'année en année, la densité démographique reste supérieure à 550 habitants au kilomètre carré, la plus forte de la côte du Léon après Brest et Morlaix18.
Logement
La commune regroupe 1 597 résidences principales, 881 résidences secondaires et 549 logements vacants (+10% en 5 ans) 19.
Climat
Le ciel de Roscoff, extrêmement variable sur une journée, délivre tout au long de l'année une luminosité d'une grande constance, laquelle est ici un des facteurs déterminants, avec la transparence des eaux, de l'abondance exceptionnelle des algues.
Faune remarquable
Dans les eaux limpides au large de Roscoff, ici en 2015, convergent deux écosystèmes d'algue, source d'une exceptionnelle biodiversité.
Roscoff est inclus dans la Zone de protection spéciale Natura 2000 de la Baie de Morlaix20 et borde21 la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de l'estuaire de la Penzé. L'exceptionnelle diversité biologique de Roscoff, constituée de plus de trois mille espèces animales22, est liée à son interface maritime et à ses singularités géographiques (marée, climat, courants marins, nébulosité, géodésie, etc.) qui font s'y chevaucher deux écosystèmes d'algues, un nordique et un méditerranéen.
Oiseaux.
Sternes de différentes espèces (S. caugek23, goélette23, S. de Dougall24…)nb 1.
Fou de Bassan. Plus grand voilier planant au-dessus de Roscoff (jusqu'à 1,70 m d'envergure), il niche depuis la fin des années trente dans la réserve naturelle de l'île Rouzic, en janvier.
Goélands (Goéland argenté25, goéland brun, goéland marin26)
Cormoran huppé
Mouette rieuse
Mouette mélanocéphale
Océanite tempête. Elle niche dans la réserve naturelle des Sept-Îles et seuls les marins la voient, rarement.
Fulmar boréal
Tournepierre
Huîtrier pie
Tadorne de Belon
Bernache
Guillemots. En particulier, quelques dizaines de Guillemot de Troïl nichent dans la réserve naturelle des Sept-Îles.
Guifette noire23
Sarcelle d'hiver26
Héron cendré26
Petit Pingouin26
Grand Corbeau
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Mammifères (leur observation est très aléatoire)
Phoque gris, non vu depuis 198127.
Veau marin28
Marsouin29
Vison d'Amérique
Musaraigne couronnée27
Hérisson d'Europe27
Blaireau commun27, autrefois chassé pour sa fourrure et consommé pour sa chair délicieuse.
Belette commune27
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Les baleines (Rorqual commun27, Balaenoptera acutorostrata26, Cachalot pygmée27) et dauphins (Dauphin commun à bec court26, Dauphin de Risso26) ont pour l'instant disparu mais se voient toujours en très grand nombre dans le golfe de Gascogne.
L'hippocampe est répandu en Bretagne mais l'espèce guttulatus, présente sur la côte sud de l'Angleterre, dans le bassin d'Arcachon et jusqu'en Méditerranée, ne s'y voit qu'à Roscoff.
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Poissons
Hippocampe à museau court30.
Hippocampe moucheté (Hippocampus guttulatus)31.
Vieille27, qui change de sexe avec l'âge.
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Invertébrés
Ver plat de Roscoff
Halammohydra (H. octopodites, H. schulzei, H. vermiformis H. adhaerens), hydrozoaires de la méiofaune dont la découverte a permis en 1959 l'invention à Roscoff de l'ordre des Actinulides et une révision de la phylogénèse de certains cnidaires (Gymnoblastiques et méduses Trachylides) par Georges Tessier.
Loricifères, phylum inventé dans le benthos d'une dune hydraulique de Roscoff en 1983.
Spirorbis27
Oursin violet, modèle du développement embryonnaire dont le génome a été décodé en totalité à la Station biologique de Roscoff
Ver de sable, appât traditionnel dont l'hémoglobine étudiée32 à la Station biologique de Roscoff par l'équipe de Franck Zal permet d'envisager dans le cadre du projet Hémarina une production industrielle de sang artificiel33 (cicatrisation, greffe…).
Coquillages et crustacés communs (langouste, crabe, étrille, pétoncle, bernique, bigorneau, couteau…)
Crépidule
Veloutée moine27
Abeille noire de Bretagne
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Flore remarquable
Le paysage de Roscoff abrite plus de sept cents espèces végétales différentes22.
Les microalgues pélagiques du plancton, tels Emiliania huxleyi34 et Phymatolithon calcareum, se protègent de coccolithes qui en sédimentant forment le traez, variété de sable crayeux, et le maërl où dominent les Corallinacées, tous deux dragués pour amender les sols.
Algues
Emiliania huxleyi35.
Phymatolithon calcareum qui produit le maërl.
Alexandrium minutum, sécréteur de la saxitoxine dont l'efflorescence rend les coquillages neurotoxiques.
Dinophysis, autre dinoflagellé qui, elle, se défend en sécrétant de l'acide okadaïque qui a provoqué sous d'autres tropiques des diarrhées.
Pseudo-nitzschias, diatomées phytotoxiques qui sécrètent de l'acide domoïque et font l'objet elles aussi d'une surveillance sanitaire.
Picobiliphytes, phylum de phycobilines invisibles du picoplancton découvert en 2003 et caractérisé en 200636 par Fabrice Not et Daniel Vaulot à la Station biologique de Roscoff37.
Laminaires (laminaire sucrée, fleur de mai, fouet des sorcières…) Pour voir une forêt de laminaires, il faut cependant aller à Molène.
Goémon, combustible du pauvre que quelques goémoniers récoltent encore pour servir d'engrais. La soude ne sort plus aujourd'hui des fours à goémon.
Goémon noir, matière première des alginates (E400 & E405) utilisés dans les industries alimentaires, pharmaceutiques et cosmétique.
Varech vésiculeux que les enfants font exploser entre leurs doigts.
Sargasse japonaise.
Corrallines (C. officinalis, C. squamata…), utilisées pour reconstruire les os et les dents.
Dulse alimentaire.
Mousse d'Irlande, source du E407.
Porphyras, enveloppe des makis.
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Flore indigène
Ajonc. Cultivé sur les terres à lande, il était écrasé après récolte selon la méthode Calloet-Kerbrat pour faire un fourrage garant de la bonne qualité du beurre.
Genêt. Il était planté dans les jachères pour enrichir la pâture et fournir des balais, des litières, des joncs de toiture, le reste pour servir de combustible ou d'engrais.
Laiche, tressée pour faire des licous, des paillassons, des ruches, des coussins, etc.
Chardon, symbole des liens de Roscoff avec l'Écosse des Stuarts et le pèlerinage de Saint Ninian.
Fétuque
Les symboles de la littérature (lierre, coudrier, chèvrefeuille).
Orme de Cornouailles (en), typique de la Bretagne. Un exemplaire résiste à Kerestat38.
Les simples de la tradition (herbe d'or39 utilisée comme cierge propitiatoire40, jusquiame, pimprenelle d'eau, verveine, primevère, trèfle)41
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Flore acclimatée
Le figuier des Capucins, aujourd'hui détruit, attraction touristique en 1913.
Figuier. Symbole de la terre d'Israël annonçant le Royaume des Cieux et plus encore affirmant la liberté dans la Grâce face à certains augustiniens, le premier figuier a été planté par les missionnaires capucins à côté de leur cloître en 163442, année de l'inauguration de la Chapelle d'albâtre dans Notre Dame de Batz. Le spécimen, visité par les voyageurs, couvrait plus de sept cents mètres carrés quand il a été rasé en 1987 pour faire un parking ; il avait 800 m²de ramifications supportées par 120 béquilles de granite et ses branchages abritaient trois profondes tonnelles43.
Artichaut, autre héritage de la curiosité des capucins, férus de botanique depuis leur promotion à la tête du projet scientifique et colonial de la France par le plus influent d'entre eux. Quelques siècles ont donc suffi pour aboutir à l'actuel cultivar Camus de Bretagne.
Échalote rosée ronde de Jersey44 introduite au XIIe siècle45.
Oignon rosé importé du Portugal et acclimaté par les Capucins au milieu du XVIIe siècle.
Pomme de terre46, résultat de l'activisme physiocratique de l'« évêque aux patates » lors de la crise alimentaire qui a précédé la Révolution.
Rhododendron
Tamaris
Palmier, déjà évoqué dans l'odyssée du malouin Saint Brendan.
Palmier de Chine, expédié de Chousan, à l'est de Shanghaï, par Charles de Montigny en 185147, planté en 1853 à Alger puis en 1856 à Porzantrez près de Morlaix48.
Désespoir des singes, souvenir des cap-horniers revenus de Valparaiso.
Aloe et agaves, témoignage des relations commerciales anciennes avec la Floride et la Nouvelle-Espagne.
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Toponymie
Le nom en breton de la commune en breton est Rosko prononcé [ʁoskṓ].
Roscoff vient du breton ros signifiant promontoire, et de goff qui signifie forgeron, probablement un anthroponyme49, peut-être celui du même saint patron que celui de la paroisse de Plogoff, masque chrétien d'une divinité forgeronne, Gofannon. Le nom de Roscoff pourrait donc se traduire en français par le coteau du forgeron.
Une mutation consonantique durcit après ros le g en c. La prononciation de la consonne finale -ff est muette en léonard, d'où la graphie bretonne moderne : Rosko [roskṓ]. La prononciation française [roskɔf] est une lecture fautive de la graphie bretonne classique, Roscoff.
Gentilé
Les habitants de Roscoff, appelés Roscouins au XVIIIe siècle, s'appellent aujourd'hui les Roscovites.
Blason
Blason de Roscoff
Blason de Roscoff :
Blasonnement : D'azur au navire d'argent équipé d'hermine voguant sur une onde d'argent ; au chef de Bretagne (qui est semé d'hermine).
Devise
« A rei, a skei atao » (« Donner et frapper toujours »).
La devise est un jeu de mots sur les composantes du nom de la ville prononcé en breton: Rosko, le double f final étant muet. En breton ro signifie en effet donne, et sko veut dire littéralement frappe, selon le contexte au sens physique de joue des poings ou au sens moral de frappe l'imagination, accomplis quelque chose de touchant, mais aussi dirige, oriente, commande. D'où l'impératif ro, sko, donne, frappe, atténué par l'infinitif a rei, a skei, expression d'une sorte de justice immanente, dont le sous entendu ironique est que celui qui paye, décide. L'étymologie véritable de Roscoff est pourtant toute différente.
Hymne
Au début du XIXe siècle, le vicomte Eugène d'Herbais de Thun écrivit, sur une musique galloise qui avait eu beaucoup de succès dans les cercles celtisants, l'hymne Paotred rosko (Les gars de Roscoff)50. Les compagnies de Johnnies partantes en chantait le refrain Rosko, sko mibin, sko kaled, sko atao (« Roscoff, cogne sec, cogne dur, cogne sans cesse ») en hissant trois fois le pavillon en vue de la chapelle de Sainte Barbe, patronne de la cité depuis au moins le début du XVIIe siècle.
Histoire
Roscoff avant Roscoff
Préhistoire
Le réchauffement climatique, qui a commencé à l'épipaléolithique en achevant de transformer la vallée de la Manche en mer et s'est poursuivi après le boréal jusqu'à le phase atlantique, voit en Bretagne l'homme de Téviec se sédentariser vers - 7000 autour de sites de « pieds rouges » (récolteurs de coquillages sur l'estran), en particulier celui de la baie de Pemprat, au sud de Roscoff, qui, à défaut d'ossements, conserve un kokkenmodding semblable à ceux de la culture d'Ertebølle.
Des traces mégalithiques subsistent faiblement : le dolmen de Kerfissiec, le lech de Reuniou… La triple allée couverte de Keravel a été dynamitée par le propriétaire du terrain en 1942. La pointe de Bloscon a vraisemblablement été vers - 4 500 un tumulus tel celui de Barnenez, candidat à la place de plus vieux monument du monde, avant d'être réutilisé comme fort. Comme dans tout le pourtour de la baie de Morlaixnb 2, la toponymie témoigne toutefois d'un pôle important au néolithique, développement naturel de deux mille ans de présence des « pieds rouges » du mésolithique : Parc al lia (lia est le pluriel de lech) en retrait de la pointe de Bloscon au-dessus de l'actuel port en eau profonde, Parc an dolmen et Goarem an dolmen, noms de champs autour d'un hypothétique dolmen situé un peu plus au sud au lieu-dit Ruveic, etc. Roscogoz, quartier de la ville où se situait le premier port, était dans le souvenir de témoins du XIXe siècle le nom d'un dolmen51 peut être évoqué dans le nom de Rochgroum (pierre courbe) qui, à Santec, sert à en désigner un.
Macle de cassitérite du gisement de Saint Erc en Cornouailles.
La civilisation maritime du Wessex, celle qui construit au chalcolithique, vers 2100 av . J-C, le second Stonehenge, s'implante plus en amont (Cléder, Plouvorn, Saint-Vougay, Saint-Thégonnec) mais ses chefferies minières entretiennent un commerce intense de l'étain et ont nécessairement exploité les ports naturels tels que ceux que présentait la côte, alors plus basse, du futur Roscoff et de l'île de Batz réunis par la terre. Ce composant du bronze, fondu avec le cuivre de Cambrie et d'Espagne, affleure naturellement dans les sables alluviaires du gisement de l'actuel Saint-Renan et de son jumeau du Dartmoor, qui, parmi de nombreux autres dispersés dans l'ouest armoricain52 et le sud ouest britannique53, étaient les deux principaux fournisseurs de l'Occidentnb 3. L'imagination laissera rêver que le « promontoire du forgeron » qui a donné son nom à Roscoff était un site d'exportation de cette civilisation du bronze où le forgeron tenait un rôle magique.
Le lech de Reuniou (cf. infra "Vestiges mégalithiques") date de l'âge du fer, qui est tardif dans les Cassitérides, soit au plus tôt - 700. Comme il ne marque pas une fontaine, il correspond peut-être, comme certains autres lechs, à un ancien cimetière, ici détruit, et marque certainement un lieu fréquenté par les Osismes.
Antiquité
Vers - 100, les Celtes, soucieux après la défaîte de Bituit de maintenir les liens avec Carthage que Massilia ne permet plus, fondent en territoire armoricain la colonie de Vorganium, dont le site de Roscoff a été un des ports possibles. Lors de la reconstruction du fort de Bloscon en 1615 a été trouvée à dix mètres de profondeur la statue gauloise dite de Saint-Pyriec d'un enfant à l'oiseau, statue aujourd'hui disparue51. La construction du port en eau profonde a révélé un abri de l'époque gauloise, peut être en rapport avec les stèles funéraires de l'île de Batz qui était alors attachée au continent. L'île verte, qui se trouve au bord sud du chenal de l'île de Batz au bout de l'actuelle jetée piétonne, a en effet livré à la fin du XIXe siècle deux épées, huit haches, dont cinq portent un anneau, un torque, un fer de lance et un morceau de poignard51. Les navigateurs osismes, partenaires des tartessiens et de Carthage54 depuis au moins le voyage d'Himilcon, soit près de quatre cents ans, étaient un atout dans cette alliance contre Rome, qui se concrétisera militairement lors de l'expédition d'Hannibal.
Pol Potier de Courcy a trouvé près du même dolmen de Keravel des petits bronzes, traces d'une garnison du IIIe siècle51, probablement un des détachements des Mauri Osismaci que Carausius a dispersé pour surveiller les pirates le long de la nouvelle route côtière reliant Osismis, devenue capitale de la cité en 282, au gué du Mont Relaxe vers Aleth. De l'époque romaine, ont été également trouvées dans la ferme de Kergoff, une pièce d'or du VIe siècle51. D'autres monnaies romaines ont été retrouvées entre les deux guerres au Ruguel sur la presqu'île de Perharidy.
Une épave romaine datant du II ou IIIe siècle a été découverte à l'est de l'ilot Ti Saozon en 2014. Fouillée par la DRASSM sous le nom de Bloscon 1, elle a révélé des objets permettant de la dater ainsi que plus de 800 lingots d'étain ou d'alliage plomb-étain provenant probablement de l'actuelle Grande-Bretagne55.
Entre monastère et place militaire
La mer a submergé les mille trois mètres qui séparent aujourd'hui Roscoff, ici au fond, de l'Île de Batz, au premier plan, où l'église de Pol Aurélien est envahie par le sable.
Selon la légende hagiographique écrite au Bas Moyen Âge à partir d'un manuscrit daté de 88456, Saint Pol Aurélien, missioné par l'évêque de Guicastel, débarque en 510 à Ouessant puis est accueilli par son cousin à la forteresse de Saint-Pol, Castel Paol en breton. Des remparts, il a pu voir, selon les documents compilés par Albert Le Grand, le roi de Domnonée chasser en 513 les danois installés dans l'île Callotnb 4. Pol finit par s'installer à Batz alors rattachée au continent, y fonde un monastère et évangélise la région acquise au pélagianisme depuis plus d'un siècle comme en avaient attesté les missions de Saint Germain et son diacre Palladiusnb 5.
Nul doute que les rivages de Roscoff virent passer la voile blanche d'Iseut que Marie de France fait arriver trop tard pour sauver Tristan de Loonois.
Trois siècles plus tard, en 857, des Normands, suivant l'exemple d'Hasting, s'installent sur l'île de Batz et pillent toute la région. Leurs exactions récurrentes provoquent en 878 le transfert des reliques de Saint Pol à Fleury et celui de la population loin du rivage. Celui-ci ne sera réinvesti qu'à l'installation en 937, dans le sillage d'Alain Barbetorte rentré d'exil et vainqueur de Rognvald puis Håkon57, de la cour d'Even le Grand, comte de Léon, à Lesneven. Le vieux Roscoff, pillé, détruit, dépeuplé à plusieurs reprises, fut à chaque fois reconstruit, se cristallisant alors autour de deux pôles principaux, le port et l'église.
Au cours de l'hiver 1114-1115, la Manche gèle à quelques distances des côtes58, ce qui était déjà arrivé à l'hiver 763-76458,nb 6.
Ces Messieurs de Roscoff
Le Rosco goz de la fin du Moyen Âge
Article connexe : Minihy de Léon.
L'envasement progressif au Moyen Âge du port de Pempoul, au pied de la capitale de l'évêché-comté, oblige les navires à débarquer de l'autre côté de la péninsule, au lieu-dit Roscoff situé sur la plage orientale de Laber, appelé aujourd'hui Rosko Goz (vieux Roscoff en breton). L'actuelle pointe du Vil est un cul-de-sac où mène la route de Saint-Pol-de-Léon appelée au XVIIe rue Ker da Laez c'est-à-dire de la ville en passant par le haut, actuelle rue Albert de Mun59. La route partage alors le territoire entre la paroisse de Toussaints, à laquelle appartient Bloscon, à l'est de cette route, et la paroisse de Saint-Pierre, à laquelle appartient Santec, à l'ouest60. Ce sont deux des sept paroisses du minihy de Léon, chacune étant dirigée par un vicaire perpétuel et la cure primitive exercée directement par le chapitre cathédral de Léon.
Cette future rue de Ker da Laez, actuelle rue Albert de Mun, une fois arrivée au cul-de-sac de la pointe du Vil rebrousse chemin par ce qui deviendra la rue du Cap, actuelle rue Édouard-Corbière, le long de la côte vers Perharidy, ex-cap Ederi ou pointe Ederi, qui se dit Pen Ederi ou Pen ar Ederi59. L'endroit de la bifurcation est alors occupé par une auberge, à l'emplacement de l'actuel Hôtel de France59 aujourd'hui logement de la Station biologique de Roscoff. Le lieu est dit Croaz Vaz, c'est-à-dire la Croix de l'île de Batz59, croix qui donnera son nom au fort construit par Vauban trois siècles et demi plus tard. Comme en atteste une charte de 132361, cette auberge familiale est bâtie sur une concession féodale des seigneurs et propriétaires des terrains, le prieur de l'île de Batz et l'Abbaye de Saint-Mélaine à Rennes62.
Durant la Guerre de Succession de Bretagne, en 1363, soit quatorze ans après le début de la peste noire, le fort de Bloscon, au nord-est de l'actuel vieux portnb 7, pris par les Anglais, est repris par Bertrand du Guesclin. De 1374 à 1387, le port de Rosco lui-même est plusieurs fois de suite incendié par le gouverneur de Brest, Richard Fitzalan, que Richard II a choisi pour soutenir le parti montfortain. La population se réinstalle plus au nord au lieu-dit Golban60 pour former le quartier du Vil, c'est-à-dire du Moulin (Mil en moyen breton, féminin Vil)63. En juin 1403, mille deux cents hommes d'armes sous les ordres de Jean de Penhoët partent de l'anse de Laber dans trente vaisseaux vaincre les Anglais au large de la pointe Saint-Mathieu. Ils en ramènent quarante navires ennemis. Un an plus tard, Plymouth est pris et saccagé.
Le 19 décembre 1455, le Duc Pierre de Montfort, entérinant un état de faits générés par cette guerre de Cent Ans navale, ordonne que ne dérogent pas à la noblesse les gentilshommes « qui marchandent en gros et en plusieurs marchandises sans les détailler ni vendre par la main ». Cette singularité du droit breton fait naître un capitalisme d'armateurs à l'origine du développement économique de Saint-Malo et Morlaix ainsi que du port avancé de ce dernier, Roscoff64. Les cadets infortunés pouvaient ainsi, sans s'exposer au fouage, se livrer sur mer à une « vie de bourse commune » au terme de laquelle ils retrouvaient les privilèges et obligations de leur ordre. Pour cela, ils devaient donc mander aux ventes des intermédiaires, souvent des étrangers qui furent nombreux à s'installer à Roscoff. Inversement, l'affrètement offrait aux roturiers de s'élever au rang de la « noblesse dormante » et d'accéder parfois à la condition d' « annobliz »65.
Durant les années suivantes, la course est encouragée par Louis XI, personnellement impliqué dans la marine à travers la politique de son vice-amiral Guillaume de Casenove et très désireux depuis le traité de Caen de s'attacher des léonards ambitieux et éloignés, sinon opposésnb 8, au pouvoir ducal. C'est ainsi qu'il anoblit en 1480 l'armateur roscovite Tanguy Marzin.
Ar vil de la Renaissance
La construction de l'église fut à la fois une revendication d'autonomie politique et une ostentation ambivalente de richesses détournées des investissements.
En 1500, le nouveau Roscoff se construit sept cents mètres plus au nord de Roscoff goz où quelques puits66 permettent de débiter aux navires de l'eau douce. Le port prospère grâce à l'importation chaque hiver de Libau67 en Courlande via Anvers, principalement par des navires de Lübeck qui en ont le monopole dans la Baltique, des graines de lin récoltées au milieu de l'été en Lituanie et choisies exclusivementnb 9 par la « manufacture » toilière des créesnb 10 du Léon. Toutes celles des parties de l'arrière-pays qui sont impropres à la culture du blé forment alors une zone de production de renom international68, la seconde en France après la région de Rouen. Développée lentement durant la seconde moitié du XVe siècle, elle connait un boom à la Renaissance avec l'ouverture du marché anglais. La blancheurnb 11 de cette toile de lin est appréciée pour faire du linge et sa régulariténb 12 pour faire des voiles. Les toiles étaient réexportées du port de Morlaix, qui disposait d'un privilègenb 13, sur toute la côte atlantique jusqu'à l'Espagne d'où étaient importés au retour vin et huile, via Bilbaonb 14 puis à partir de 1530 Séville69, et au Portugalnb 15 ainsi que leurs nouvelles colonies70. C'est ainsi qu'en 1527 un navire armé pour le Brésil par le roscovite Jean Jarnet est coulé par la flotte portugaise en baie de Tous les Saints71. Dans ce réseau, Roscoff, à côté d'une activité interlope séculaire, devient le principal marché des semences de lin. Son bureau de contrôle, sous l'autorité du juge des Requaires, les fait distribuer par des commissionnaires dans le haut Léon qui produit la rosconne et sa marque finira par en monopoliser au XVIIIe siècle le réacheminement via les succursales installées dans les ports du Trégor, d'où sortent les gratiennes, et de Penthièvre, où sont produites les Bretagnes.
Comme partout en Léon, le capital accumulé est sacrifié à des constructions religieuses de prestige. Notre-Dame de Croaz Vaz est érigée entre 1522, année du saccage de Morlaix par les Anglo-Espagnols, et 1545nb 16. La chapelle Saint-Ninien est construite à l'initiative de l'évêquenb 17 et reçoit en 1538 l'assemblée capitulaire du minihy de Léon. Le 18 août 1548, la ville nouvelle accueille à son débarquement, le temps d'une prièrenb 18, Marie Stuart, reine d'Écosse âgée de cinq ans et promise au Dauphin François pour réactiver l'Auld Alliance.
Un an plus tard, le Parlement de Bretagne accède à la demande du bourg de devenir une paroisse indépendante du minihy de Léon (dont le siège se trouve à Saint-Pol-de-Léon) puis, en 1550, alors que les représentants de l'ordre ancien Claude de Coetlestremeur, seigneur de Penmarc'h, et Jean de Kermellecnb 19, commandant du château du Taureau, se livrent à la piraterie sur les côtes du Léon et que la Réforme est au cœur des préoccupations, le roi Henri II l'autorise à se doter d'une milice municipale d'arquebusiers. Simultanément, l'évêque du Léon concède aux paroissiens sécessionnistes le droit de faire baptiser leurs enfants dans leur église. Entre 1575 et 1576, la ville est dotée par Monseigneur de Neufville d'un hospice pour indigents, l'hôpital Saint Nicolas, actuelle maison de retraite où subsiste la chapelle construite en 1598. Accusé d'attirer les pauvres sur le territoire de la paroisse, l'hôpital sera en 1715 réservé aux seules personnes installées dans celle-ci depuis plus de dix ans. En 1559, mille huit cents livres sont consacrées à la chaussée du bourg.
La chapelle Sainte-Barbe.
Le XVIIe siècle, âge d'or des armateurs
De 1560nb 20 jusqu'à la fin du XVIIenb 21, les terrains autour de l'église sont lotis par l'évêque-comte à des investisseursnb 22 du Léon, tels François Jaffres, marchand et gouverneur de l'église de Roscoff, en 1561nb 23 ou Olivier Le Maigrenb 24, pour construire des hôtels de négoce qui deviendront des résidences au XVIIIe siècle. Ils sont construits pour la seule traite, tel l'hôtel de Mathieu Le Hir du Carpont et de Keramanach en 1582nb 25, ou pour servir en sous sol de magasin, voire de maison fortifiée, telle celle du corsaire Chrétien Le Pappe qui eut à se défendre en 1592 contre le régiment paysan de la Sainte Union de Morlaix conduit par Bras de Fer72. Ceux des bâtiments qui donnent, ou donnaient, sur le rivage participent au système défensif de la villenb 26.
Le 17 mai 1595, le Duc de Mercœur, prétendant baillistre militairement allié aux Espagnols contre le roi depuis cinq ans, rétablit par lettres patentes le commerce avec Bilbao et Séville, principaux débouchés des crées. Trois familles de marchands basques s'installent à Roscoffnb 27. Roscoff sert aussi de refuge à plusieurs familles anglaises catholiquesnb 28 fuyant les persécutions commencées sous le règne d'Élisabeth.
Le 12 juin 1600, après un terrible hiver, est posée, à l'emplacement du cimetière des victimes de l'épidémie de décembre 1593, la première pierre de la chapelle Saint Roch et Saint Sébastiennb 29, saints invoqués contre les épidémies et les persécutions religieuses. Cette double action de grâce décidée en décembre 1598 célébrait l'Édit de Nantes qui clôturait les cinq années de la guerre civile menée par La Fontenelle, pilleur de Roscoff en 1592nb 30, et visait simultanément à obtenir la fin de l'hécatombe causée par l'épidémie recrudescente qui se prolongea au cours de l'année 1599. Un décret municipal de 1632 transformera le lazaret en prison mouroir pour tous les individus suspects de peste.
Au tout début du siècle, Mgr de Neufville érige le nord de la paroisse de Toussaint, c'est-à-dire la péninsule de Bloscon à l'est de l'actuelle rue Albert de Mun, en trève. Désormais les paroissiens, devenus relativement nombreux, pourront recevoir les sacrements, célébrer les mariages et les enterrements, sans se rendre à la cathédrale, siège du minihy. Cependant, dès 1611, l'ecclésiastique ville de Saint-Pol obtient la suppression du député aux États de Bretagne de l'orgueilleux et bourgeois Roscoff. Les marchands de celui-ci s'organisent dès l'année suivante en la « confrérie de Sant Ninian », équivalent de l'actuel conseil municipal. En dépit de sa démographie croissante, Roscoff continue de ne députer qu'un seul représentant sur les douze que compte le conseil de la ville de Saint-Pol où sont décidés les aménagements vicinaux et les taxes afférentes, ce qui est source de contestations éternelles.
La chapelle Sainte-Anne, construite en 1640 sur fonds privés, achetée par la commune en 1967, sert aujourd'hui de lieu d'exposition.
Autour de 1619, la chapelle Sainte-Barbe, protectrice contre les pirates et intercessrice pour les âmes défuntes sans absolution, est érigée à son tournb 31. Deux ans plus tard, les Capucins sous la direction du Père Pacifique de Morlaix, ouvriront dans la paroisse, à la demande des habitants qui leur concèdent le terrain, un petit couvent dont le cloître sera achevé en 1682nb 32. Les Capucins, qui donnent des rudiments d'instruction à quelques enfants pauvres et soignent les malades, sont botanistes: ils acclimatent un figuier, qui deviendra une curiositénb 33, et introduisent d'autres plantes méditerranéennes dont en 1661 l'artichaut, qui deviendra la fortune de la région. En 1634, est inaugurée la chapelle des albâtres (cf. infra), qui vient remplacer le porche sud de Notre Dame de Croaz Vaz. En 1640, l'érection de la chapelle Sainte Anne, patronne de la Bretagne, grâce aux donations de Françoise Marzin, dame de Kerugantnb 34, et Louis Ronyant, son mari, marque la fin d'une quinzaine d'années de peste et en 1643 le quai du portnb 35 est achevé sur une longueur de cent quatre-vingt mètres après vingt-six ans de travaux.
En 1649, Roscoff obtient de la Régence gouvernée par Mazarin confirmation des lettres patentes signées en 1600 par Henri IV l'autorisant à tenir une foire six fois par an. Tant la conjoncture économique qu'une prétendue opposition de la ville de Saint-Pol empêcheront la tenue de celles ci. En mars 1649, l'église s'offre des orgues que Thomas Harrison, Anglais catholique installé à Roscoff, livre vingt mois plus tard. Le recensement de 1664 comptabilise quinze navires attachés au port de Roscoff. En 1665 monseigneur de Visdelou met en place un règlement, très modestenb 36, concernant les tavernes.
Roscoff est aussi à partir du XVIe siècle, avec Morlaix et Paimpol, un des premiers ports à armer à la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve, puis sur les côtes d'Islande. La morue salée était vendue en France et surtout en Espagne ; la Bretagne n'étant pas soumise à la gabelle, les pêcheurs picards et normands venaient à Roscoff s'approvisionner en sel à bon compte. Le trafic des faux-saulniers professionnels fut très actif jusqu'au XVIIIe siècle, assuré par une cinquantaine de bateaux de 50 à 100 tonneaux, venant principalement du port de Dieppe. Les armateurs de Roscoff prenaient leurs chargements de sel au Croisic. Avec le sel, les principales marchandises de mer étaient alors à la sortie les toiles de lin et le blé (à destination de ports comme Dunkerque, ainsi que vers l'Espagne et l'Angleterre), à l'entrée les vins et eaux-de-vie, l'huile d'olive, les merrains73 et le thé74.
Le lent déclin jusqu'au XIXe siècle
1665-1698 : taxes et smogleurs
La chute de Nicolas Fouquet marque le début de la destruction économique et politique de la province sous le règne absolutiste du Duc de Chaulnes. La politique de Louis XIV et les mesures protectionnistes de Charles II75 ferment les marchés anglais et hanséatique. La fiscalité imaginée par Pierre Deschien et la politique de manufactures d'étatnb 37 initiée par Colbert69 ruinent le commerce libre. La décroissance de la production de lin, désormais concurrencée par celle du coton des colonies dont le prix de revient est artificiellement baissé par l'esclavage, et la baisse de fréquentation du port, désormais hors du jeu commercial atlantique, ne sont pas compensées par l'activité militaire ni par la course, dont Morlaix profite presque exclusivementnb 38.
Roscoff devient pour presque trois siècles le premier port de la contrebande avec les Îles britanniques. L'origine de ce développement est le Navigation Act, première loi sur la navigation signée par Cromwell en 1651, qui interdit à tout navire d'importer en Grande Bretagne des marchandises qui ne viennent pas du pays auquel le navire appartient et qui assure le monopole de l'importation depuis les îles aux navires servis par des équipages au moins aux trois-quarts anglais et commandés par des capitaines anglais. Le trafic, qui connaitra son apogée au XVIIIe siècle en dépassant alors le volume des importations légales, profite de la proximité des Îles anglo-normandes et devient, malgré les risques encourus, une activité économique essentielle aux populations du littoral tant britannique que français, faisant progresser la construction navales, marquant des territoires d'une architecture qui bénéficie de ces progrès techniques, forgeant des caractères, suscitant des légendes, rapprochant des populations d'une même origine que les frontières ont séparées, affirmant des altérités76. Les bateaux pratiquant ce trafic sont dénommés « smogleurs », déformation du mot anglais smuggler qui signifie « contrebandier »77.
Régulièrement réprimé, mais officieusement encouragé par Colbert puis par les partisans d'un mercantilisme industriel pour ce qu'elle affaiblirait les économies rivales, cette contrebande maritime prospérera jusqu'en 1784 quand William Pitt, premier ministre du roi George III, décidera d'abaisser les droits de douane, qui passeront par exemple pour le thé de 127 % à 12 %, et signera deux ans plus tard un traité de libre-échange avec l'ancien ennemi. Elle périclitera rapidement quand Napoléon III signera, le 16 avril 1856, le traité de Paris, qui abolira l'activité connexe de course en mer. Elle ne survivra pas au chemin de fer ni au désenclavement de la Cornouaille qui s'ensuivra.
Le 30 novembre 1694, Vauban signe les plans de la transformation exécutée par La Renaudière, du fort de Bloscon en une importante batterie de treize canons fermée par un pont levis. Pour le financer, un impôt spécial est prélevé par la municipalité sur les habitants. Les merlons en gazon coûtent dix fois moins cher qu'une muraille et arrêtent les boulets sans dégâts. Le Bloscon devient le siège de la capitainerie de Saint-Pol-de-Léon qui s'étend de Ploujean à Cleder et dont la pièce maîtresse est le château du Taureau. La milice garde côtes était une corvée échue aux habitants regroupés en un bataillon sous le commandement d'un capitaine général. Sur le port lui-même, le fort de la Croix abritait une poudrièrenb 39 et un canon gardait la jetée face au rocher du Gran Quelennb 40.
1699-1789 : guerres et calamités climatiques
L'ancien port et son quai ouest prolongé d'un môle au XIXe puis d'une jetée piétonne au XXe. Les bateaux pouvaient, comme le montre une gravure du XVIIIe siècle, non pas venir à quai mais s'échouer sur les plages de Laber à Roscogoz et plus facilement sur celle qui est aujourd'hui le « vieux port ».
En 1699, une tempête ensable deux cent cinquante hectares de terres agricoles à Santec où l'ensablement a commencé dès 1666, favorisant l'aménagement de nouveaux lotissements. La guerre de Succession d'Espagne stoppe presque totalement pendant dix ans le commerce du linnb 41 mais permet de rançonner les navires ennemis, comme le fit pour deux cent cinquante livres le capitaine Lair le 1er septembre 1705 dans le port de Cork où il s'était introduit sous pavillon anglais.
La combat d'Ouessant de 1778 - Théodore Gudin (1848)
La bataille navale quasi permanente n'engage guère directement les lougres roscovites qui en sont réduits à la course et au commerce interlope.
En 1715, une autre tempête endommage le quai et en 1722 plus de cinquante centimètres de sable doivent être enlevés des rues de Roscoff. Le port a alors une capacité de cent vaisseaux de quatre à cinq cents tonneaux78 mais la flotte est considérablement réduite (en 1730, elle ne compte que trois bateaux de pêche hauturiers venus de Normandie) mêmes si certains bâtiments naviguent au long cours entre Terre Neuve, Saint-Domingue et l'Île-de-France. Il faudra attendre le 19 février 1743 et une souscription de huit mille livres auprès de la société des armateurs roscovites réunis autour de messieurs de Portenoire et Sioch'an de Kersabiec, en conflit avec la ville de Saint-Pol qui refuse de contribuer, pour que la reconstruction du quai sur une longueur double soit achevée, les pierres provenant du Petit-Quellen, de l'île de Batz et de l'île Callot.
Roscoff deviendra dès lors un chantier naval mineur mais recherché sous la marque de la dynastie Kerenfors, ce qu'il restera jusqu'à sa fermeture entre les deux guerres mondialesnb 42 et qui construira en particulier en 1779 le senau La Duchesse de Chartres79. Le 10 octobre 1746, deux siècles après son aïeule, Bonnie Prince Charlie, échappé de sa défaite à Culloden, y débarque d'un corsaire, L'Hermine escorté par le capitaine malouin du Fresne. À cette époque, les batailles navales entre Anglais et Français étaient constantesnb 43. En 1756, un ingénieur est dépêché pour mettre en place les moyens de lutte contre l'ensablement. La tempête du 4 octobre 1765 abat la flèche du clocher et endommage le toit et le porche de l'église.
Au tournant des années 1770, le port, qui avait perdu la plupart de ses marins durant la guerre de 1758nb 44, est sinistré par la disparition inexpliquée du maquereau qui abondait au large de Batz et dont les armateurs d'Honfleur et Fécamp s'étaient fait la spécialité en Bretagne80. La disparition de la « fortune de mer » et le déclin de la culture du lin sont palliés par la culture des pommes de terre initiée par Monseigneur de La Marche puis par le développement de celle des artichauts et autres primeurs, introduits un siècle plus tôt par les Capucins, qui est une agriculture spéculative basée sur la complémentarité des marchés saisonniersnb 45. Certains Roscovites sont ainsi poussés à les colporter en Maine, Anjou et Normandie.
Pauvreté et récolte du goémon à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle
Le recteur de la trève de Roscoff, dans une lettre écrite en 1774 adressée à l'évêque de Léon Jean-François de la Marche en réponse à son enquête sur la mendicité, proteste contre la déclaration du 30 octobre 1772 qui limite aux trois premiers mois de l'année la coupe du goémon. Il écrit (l'orthographe de l'époque a été respectée) :
« L'objet du gouesmon est très intéressant pour le païs. Les règlements qui en interdisent la coupe pendant le mois d'août ou de septembre augmente beaucoup la misère d'une partie du bas-peuple et des riverains. Cette coupe, qui s'est faite de tous tems, sur cette côte, dans cette saison, sert presque uniquement au chauffage, et il l'est le seul pour ces pauvres gens. Point de bois sur la côte, d'aucune espèce. Celui qu'on y porte est d'une cherté exorbitante. Les landes y sont maigres, rares ; point de fougères. Cette coupe ne doit pas nuire aux trempes [utilisation du goémon comme engrais], car notre côte hérissée de rochers fournit abondamment de cet herbage [goémon]. La trempe a pour elle la coupe presque entière de février et tous les gouesmons de marée [goémon échoué] pendant l'année. Ces derniers ne peuvent servir au feu81. »
À la suite d'une enquête organisée par une circulaire du 8 juin 1819 du Préfet du Finistère, le conseil municipal de Roscoff répond (l'orthographe de l'époque a été respectée) : « Ceux qui ne se servent que de paniers doivent être autorisés à commencer la récolte du goëmon deux ou trois jours avant les cultivateurs pourvus de chevaux et de voitures » et souhaite que « chaque voiture de transport ne doit être accompagnée que de huit personnes, et chaque cheval de quatre, à moins que lé ménage ne soit plus nombreux. Il doit être défendu d'enlever pendant la nuit le goëmon apporté par les flots »82.
1789-1818: de la Révolution à la famine
À la Révolution, le cahier de doléances du 29 mars 1789 dénonce la concurrence déloyale des ports francs de Guernesey et d'Aurigny, l'insuffisance de l'entrepôt du port, l'incurie de la ville de Saint-Pol, les dîmes prélevées par celle-ci sans qu'elle n'aménage de route facilitant le transport des marchandises du port, les taxes décidées par la même ayant ruiné l'exportation vers l'Irlande et l'ouest de l'Angleterre ainsi que l'importation de thé et de rhum des Amériques. Il dit entre autres qu'il faut supprimer « les octrois ruineux obtenus pour des embellissements frivoles à Saint-Pol-de-Léon » et demande de bénéficier de « la liberté d'entreposer les eaux-de-vie d'Espagne, le rhum ou le tafia de l'étranger, comme Sa Majesté a accordé pour le genièvre de Hollande et le tafia de ses colonies (...) S'il est nécessaire de lever quelque droit sur l'exportation, qu'il soit assez modique, pour que le négociant pût le céder de ses bénéfices afin de le mettre en concurrence avec les îles de Guernesey et Origny (...) qui, par une exemption de tous droits (...), ont attiré chez eux tout ce commerce »83.
Le 31 janvier 1790, Roscoff se constitue unilatéralement en municipalité autonome de Saint-Pol-de-Léonnb 46 et se choisit pour maire un marchand, Gérard Mège, qui, le 14 juillet, conduira lui-même la prière devant le refus du recteur, monsieur Boutin, lequel démissionnera du conseil municipal dès l'automne. Le 2 août, à l'occasion du pardon de la Portioncule, deux cents soldats républicains cantonnés à Saint-Pol viennent saccager Roscoff et violenter la populationnb 47. La Constitution civile du clergé achève de faire de Roscoff un foyer de la résistance passivenb 48. Sous le Gouvernement Révolutionnaire, de septembre 1792 à mai 1793, puis durant le premier semestre 1794, Roscoff devient un centre de déportationnb 49. Le 11 octobre 1794 est enfin inaugurée une route entre Roscoff et Saint-Pol. La proclamation du 9 mars 1795 du député Bruc rétablit la liberté de cultenb 50 mais la constitution d'une Garde nationale le 9 juillet 1795 provoque la révolte dite des Pitiguetnb 51.
Le système continental, loin de relancer le commerce du lin et de ses semences, ferme le port et entraîne mécanisation et délocalisation.
Le Directoire fait fermer de nouveau tous les lieux de culte et retourner dans la clandestinité les deux prêtres restants de la paroisse. L'activité portuaire est alors réduite à celles de transitaires de légumes desservant Brest, Morlaix et Landerneau. Le Consulat n'apaise en rien le conflit entre la population et la nouvelle administration : la ville, suspectée de rébellion, est mise en état de siège à deux reprisesnb 52, et le maire est accusé d'organiser la liaison entre le clergé et son évêque déchu, Monseigneur de La Marche84, exilé à Londres. Finalement, le sous-préfet autorise de nouveau le clergé local le 2 mai 1800nb 53 et rend Notre-Dame de Croaz Vaz au culte catholique le 30 octobrenb 54
Tout en favorisant le « smoglage », contrebande aléatoire qu'exercent à Roscoff quatre naviresnb 55, le Premier Empire et son blocus continental ruinent toute chance de reprise du commerce si bien qu'en mai 1810, l'armateur et maire de Roscoff Picrel chute dans la faillite retentissante du morlaisien Philippe Deleville85.
Cette crise économique se prolonge de 1816 à 1818 par une famine climatique.
L'essor des cultures maraîchères
Ce n'est que vers 1790 que commença véritablement la culture maraîchère, même si antérieurement des jardins potagers existaient déjà, principalement aux alentours du port, pour approvisionner les habitants, mais aussi les navires en escale ; les pères Capucins furent les premiers à faire en grand la culture des légumes dans une propriété leur appartenant à partir de 162286. Les conditions naturelles étaient favorables à la culture des légumes en raison du climat, de la fertilité naturelle des sols, de la fumure des champs en goémon et de la correction de la pauvreté des sols en calcaire grâce au maërl. Au début du XIXe siècle, durant la saison, les paysans de Roscoff chargeaient chaque jour de 10 à 12 charrettes de légumes qu'ils allaient vendre à Morlaix, à Brest, à Landivisiau, à Landerneau, voire à Quimperlé et à Lorient.
L'oignon rose de Roscoff est une variété importée au XVIe siècle du Portugal, vendue au XVIIe siècle jusqu'en Su-de et en Russie ; au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, durant la saison, les paysans de Roscoff chargeaient chaque jour de 10 à 12 charrettes de légumes qu'ils allaient vendre à Morlaix, à Brest, à Landivisiau, à Landerneau, voire à Quimperlé et à Lorient, et même jusqu'à Paris vers 1830. Jacques Cambry qualifie la région roscovite de « jardin de la Bretagne », écrivant qu'elle « produit une incroyable quantité de légumes de toute espèce (...) : oignons, choux, navets, panais, choux-fleurs, asperges, artichauts ». Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la navigation à vapeur facilite l'expédition vers la Hollande et la Grande-Bretagne : des groupes de roscovites vont, sur leurs vélos surchargés, vendre des oignons au Payas de galles, en Angleterre et jusqu'en Écosse.
Article détaillé : Oignon de Roscoff.
En 1828, le surpeuplement, conjugué au caractère saisonnier de l'activité agricole, déclenche l'histoire des Johnnies, marchands ambulants souvent roscovites partant vendre, entre fin juillet et l'Avent, leurs oignons rosés de Roscoff en Angleterre (Henry Olivier87 en fut l'initiateur). Désormais, l'agriculture cesse d'être une activité vivrière et renoue avec la vocation marchande de la cité.
Roscoff : l'arrivée des voitures d'oignons au port vers 1920 (carte postale)
Roscoff : l'embarquement des oignons pour l'Angleterre (vers 1920)
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Roscoff et le Léon ayant le privilège de récolter les primeurs quatre, cinq et même six semaines avant l'Angleterre et l'Irlande et les Anglais cherchant en dehors de leur île l'appoint indispensable à leur subsistance, des services de cabotage à vapeur furent créés, facilitant l'exportation des légumes. À partir du 10 juillet 1839, une troisième génération d'agriculteurs-colporteurs roscovites, déjà habitués aux marchés de l'ouest de la France, bénéficie, grâce à l'initiative de la Chambre de Commerce et d'Édouard Corbière, de la liaison hebdomadaire Morlaix-Le Havre assurée par les steamers de la Compagnie du Finistèrenb 56. Les liens établis pour affaires et par mariages entre ces colporteurs et leurs interlocuteurs normands finissent par faire passer une grande part de l'épicerie de cette province aux mains d'immigrés bretons. La liaison au Havre relance la pêche88. En 1854, une campagne de travaux décidée par le département et renouvelée en 1870, rectifie la route qui mène à Morlaix, principal marché aux légumes de la région.
En juillet 1858, 28 passeports sont délivrés à Roscoff pour l'Angleterre et le Pays de Galles, ce qui témoigne de l'amorce d'exportations légumières vers ces destinations89.
1818-1860 : surpopulation et émigration
De 1817 à son décès, le 2 octobre 1820, Dorothée Silburne, qui avait hébergé et secouru Monseigneur de La Marche durant son exil à Holborn, est recueillie par le comte de la Fruglayenb 57 dans sa maison près de l'église d'où elle dépense la pension qu'elle a reçu de Louis XVIII à ses œuvres de bienfaisancenb 58.
Du 1er novembre au 6 décembre 1832, l'épidémie de choléra, qui sévit dans toute la France, tue quatre vingt-six roscovites. Devant l'incompétence des médecins locaux, deux médecins de la Marine sont dépechés de Brest et mettent un terme à la surmortalité90. Le 8 avril suivant, la municipalité est contrainte par une loi d'assainissement votée par l'Assemblée d'ouvrir, en sus des cimetières de l'enclos paroissial et de l’hospice ainsi que celui de Santec, un quatrième cimetière, le cimetière du Vil. Cette même année 1831, des investisseurs brestois, espérant valoriser un polder de cent hectares, construisent la digue à écluse qui ferme le fond de l'anse de Laber, espérance déçue par l’opposition de la commune favorable aux goémoniers et à la libre pâture pratiquée par les santéquoisnb 59.
Les vapeurs à aubes de Corbière font entrer les colporteurs dans la modernité et convertit Roscoff en port pêche.
Le bourg compte alors de nombreux indigents91, journaliers et matelots au chômage entre deux emplois. L'alphabétisme est l'exception y compris chez les hommes d'affaires les plus expérimentés. Le budget de la commune, réduit à quelque quatre mil francs92 issus principalement de l'octroi et des taxes sur le smoglage (importation de whisky), peine à l'entretien de la digue du Vil et des pavés, à la rémunération d'une dame des Postes, d'un cantonnier et, depuis 1831, de deux instituteurs, l'un à Roscoff même, l'autre à Santec. La commune s'en remet souvent à la tutelle du préfet93. Vers le milieu du XIXe siècle l'ossuaire désaffecté servit d'école94.
La réinvention de la station maritime
Roscoff : vue prise de la petite jetée (dessin publié dans Félix Benoist, "La Bretagne contemporaine", tome "Finistère", 1867).
Le port de Roscoff en 1873.
Roscoff vers 1900 (lithographie d'Albert Robida).
Machines à vapeurs et mode des bains de mer
La phase libérale du Second Empire puis, avec bien plus d'ampleur, la IIIe République voit Roscoff, dont le budget des années 1870 a plus que doublé en quarante ans66, s'équiper de nouvelles infrastructures et entrer dans la modernité par étapes.
En 1860, Claude Chevalier construit les Viviers de Roscoff sur une concession.
Le 12 février 1867 est ouverte une des premières stations de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés, un an après la fondation d'une succursale locale. Elle compte deux équipes de dix rameurs et leurs chefs d'équipage.
En 1869, grâce à une souscription abondée par emprunt et subvention, sont mises en service au port six pompes à eau douce66,nb 60.
En juin 1873, Henri de Lacaze-Duthiers ouvre par souscription un laboratoire de l'Institut, la Station biologique de Roscoff, dans deux hôtels de négoce mitoyens de la fin du XVIe siècle qu'Édouard Corbière avait acquis en 1860.
En 1877, le port s'équipe de la digue Pen ar Vil en face de la Station biologique de Roscoff. Elle lui sert de port pour ses expéditions maritimes et devient l'embarcadère pour l'île de Batz.
Le 10 juin 188395, l'inauguration de la ligne de Morlaix à Roscoff par le viaduc de la Penzé et de la gare de Roscoff permet l'affluence de touristes empruntant les directs de Paris et ouvre le débouché des halles de Paris aux primeurs et à la marée96.
En 1890 est construit le château de Labernb 61 par l'héritière d'un marchand lorientais.
En 1899, le docteur Louis Bagot, dix ans après que le docteur Henry Abélanet a mis au point le dispositif dans sa villa de Saint Gilles Croix de Vie pour soigner son fils atteint du mal de Pott puis quelques autres patients, invente le premier établissement médical de thalassothérapie ouvert en Europe au public, l'institut Rockroum, en complétant les traditionnels bains de mer, lancés par la duchesse de Berry à Dieppe en 1829, d'un système de chauffage et de distribution de l'eau de mer.
En juillet de l'année suivante, la marquise de Kergariou97 fonde sur la presqu'île de Perharidy un sanatorium héliomarin confié aux sœurs qui soignent les malades atteints de tuberculose ; lors du décès de sa bienfaitrice en 1915, 180 malades sont hébergés.
En 1912, commence la construction de l'actuel port qui sera achevé en 1932. La chapelle Saint-Ninien, siège en ruine de l'ex-confrérie, y est sacrifiée.
Le transport de masse ne va pas sans catastrophes. Les naufrages de 1897 et 1899, plus encore celui du Hilda en 190598, donnent lieu à d'émouvantes commémorations au cimetière du Vil qui en conserve le souvenir. Plus souvent, les accidents (une charrette à l'eau, une chaloupe renversée…) ne sont que matériels mais ruinent en une saison deux générations d'une même famille.
Le XXe siècle
Le port au début du XXe siècle
« Au début du XXe siècle le port de Roscoff connaît un trafic important grâce, en particulier, aux liaisons transmanches. Nombre de caboteurs et de longs-courriers y font régulièrement escale. La flottille se compose en majorité de cotres spécialisés dans la pêche aux filets et aux cordes (ou lignes de fond) ». Jacques de Thézac y inaugure l'Abri du marin, financé par une brestoise, Mme Kernéis, le 19 décembre 1909. L' Abri ferma en 195299.
Au début du XXe siècle environ 1 300 léonard embarquent de Roscoff la seconde quinzaine de juillet100. De nombreux Johnnies originaires de Roscoff et des communes avoisinantes trouvèrent la mort lors du naufrage du Hilda le 17 novembre 1905101 ; la liste des victimes, membres des cinq compagnies Pichon102, Quiviger103, Jaouen104, Calarnou105 et Tanguy106, est fournie par le journal L'Univers du 26 novembre 1905107. Le journal L'Ouest-Éclair décrit l'arrivée des victimes en gare de Roscoff et les scènes poignantes lors de leurs obsèques108.
Article détaillé : SS Hilda.
La Première Guerre mondiale
Début août 1914, la mobilisation puis l'entrée en guerre de l'Empire britannique provoque des défilés patriotiques accompagnant les soldats à la gare ou au port dans lequel la population fraternise avec les touristes et habitants « grands bretons »109. Ceux qui ne sont pas mobilisés pour la défense de l'île de Batz ou le front forment spontanément une milice qui dès la fin de la Grande Retraite se dissout en même temps que l'enthousiasme109. La guerre reporte le projet de phare qui ne sera construit qu'en 1934.
Le monument aux morts de Roscoff porte les noms de 159 marins et soldats morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale ; parmi eux, 6 sont des marins morts ou disparus en mer, Étienne Le Saout est un marin mort à Bizerte (Tunisie), 5 (Joseph Daridon, Jean Le Gad, Paul Le Guen, Paul Prigentnb 62, Louis Roignant) des soldats morts sur le front belge, 6 lors de l'expédition de Salonique (Félix Kerenfors à Moudros (Grèce) en 1916, Henri Creignou à Salonique en 1916, François Le Fur à Argostóli (Grèce) en 1917, Jean Pichon et Henri Daniélou en Serbie en 1918, Tanguy Le Bihan en Macédoine en 1918), Jacques Daridon en Turquie lors de la bataille de Sedd-Ul-Bahr ; deux (François Guivarch et Olivier Tanguy) alors qu'ils étaient prisonniers en Allemagne ; la plupart des autres sont décédés sur le sol français (parmi eux Jean Boutouiller a été décoré de la Médaille militaire, Henri Guyader et Expédit Noirot de la Médaille militaire et de la Croix de guerre, Yves Poder de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre)110.
Par ailleurs Jean Daridon, canonnier au 1er régiment d'artillerie coloniale, est mort de maladie en 1919 lors de la Guerre civile russe à Tchéliabinsk (Russie).
L'Entre-deux-guerres
La jetée piétonne construite en 1967.
En 1920, la commune de Santec, paroisse autonome depuis 1840, est créée sur une partie des terres de Roscoff, de Saint-Pol-de-Léon, et de Plougoulm. Attendue depuis près d'un siècle par les roscovites111,112, l'inauguration en 1927 du pont de la Corde, doublant par la route le viaduc de la Penzé, améliore considérablement l'accès au marché de Morlaix. Cette route est celle du second plus important trafic du Finistère.
Le sanatorium hélio-marin de Perharidy est décoré au début de la décennie 1930 par des grands panneaux muraux peints par le peintre autodidacte Kerga et des œuvres de style Art déco du mosaïste Isidore Odorico.
En 1937, les capucins se réinstallent dans leur couvent vendu en 1793. L'année suivante commence la construction de l'aquarium, initialement destiné aux seuls chercheurs de la SBR.
La Seconde Guerre mondiale
Article connexe : Réseau Centurie.
Le monument aux morts de Roscoff porte les noms de 41 personnes mortes pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale ; parmi elles, Olivier Cabiochnb 63, résistant mort en déportation ; Eugène Le Sauxnb 64, marin qui mourut de ses blessures en Angleterre après que son bateau le Vauquois ait été victime d'une mine le 18 juin 1940 ; plusieurs autres, par exemple Yves Dirounb 65sont des marins disparus en mer ou comme François Fournisnb 66, victime de l'attaque anglaise contre la flotte française à Mers el-Kébir110.
Une plaque commémorative située à la gare commémore la mémoire de deux cheminots (Jean Braouézec et Jean Le Coz) tués lors du mitraillage de leur train par la RAF à la bifurcation de Roscoff sur la ligne Morlaix-Roscoff le 6 juin 1943113.
Le 18 avril 1943, l'occupant décide de détruire quelques parties du fort du Bloscon construit par Vauban pour y aménager sept blockhaus, quatorze casemates de tir et quelques autres ouvrages en béton, le tout accueillant une batterie de soixante hommes114. Début janvier 1944, c'est par cet élément du mur de l'Atlantique qu'Erwin Rommel commence sa tournée d'inspection jusqu'à Plérin115.
Un témoignage d'un roscovite illustre la vie des prisonniers français au stalag [le Stalag IX-B] de Bad Orb entre 1940 et 1943 : « Je suis prisonnier au stalag à Bad Orb. Sacré pays ! Le camp est construit sur une ancienne carrière. Que du caillou. Ici rien ne pousse. Pourtant Pauline, ma petite femme, m'a fait parvenir des graines de tomates dans son dernier colis. Alors, avec des copains, on s'organise. Chaque matin, pour rejoindre le travail à l'extérieur du camp, on enfile notre lourde capote, et nos deux musettes en bandoulière. Même par grand soleil. On crève de chaud, et çà fait sourire les Allemands. Mais, chaque soir, on revient avec nos musettes chargées de terre, et de tout ce qu'on a pu chaparder à l'extérieur du camp. (...) C'est comme çà qu'on a pu cultiver une magnifique plate bande de tomates, sous l'œil amusé de nos gardiens »116.
Le lundi 19 juin 1944, l'enterrement interdit par l'occupant de Franck Mac Dowell William Stout, aviateur néozélandais abattu la veille par la DCA de l'île de Batz, rassemble au chant du Libera deux à trois mille personnes de Roscoff, Saint-Pol et Santec117 dont une centaine d'enfants portant des fleursnb 67. La manifestation sera renouvelée le lendemain au cimetière du Vil.
Plusieurs roscovites sont morts pour la France dans les décennies d'après-guerre : Auguste Quéré, Henri Corre, Joseph Grall, Paul Montagnies de La Roque, Robert Merrien, Jean Lebian, Paul Autret, Robert Le Mat et G. Veillard en Indochine ; Alain Castel et Jean Velly pendant la Guerre d'Algérie110.
Développement et défis écologiques
En 1953, l'institut de thalassothérapie Rockroum, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, rouvre et la station de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés ferme118. L'aquarium Charles Pérez est achevé et ouvert au public, et le CNRS, dans une nouvelle aile, ajoute à la SBR des laboratoires d'océanographie dotés de leur premier navire, le Pluteus II. À partir du début des années soixante, le centre dirigé par Georges Tessier, jusqu'alors station estivale pour étudiants et chercheurs étrangers limités à la zone intertidale, accueille des équipes permanentes. Une seconde aile est construite en 1968. Pendant quelques semaines de mai, un comité de grève occupe les laboratoires.
En août 1969, la je